jeudi 17 mai 2007

DIEU EST BON MAIS,,,,,,,,,

Dieu est bon, mais… faut pas pousser !


Depuis des mois, Florian cherchait le bout du monde…


Huguette, son amour - l éclat de jour rencontré après bien des ténèbres et maintes histoires d 'amour, de beuveries, de ripailles sonores et brutales - Huguette etait morte. Comme ça, d' un coup, comme une chandelle n' ayant plus de suif.


Il avait hurlé, pleuré, trépigné… Rien à faire, le froid avait fait son œuvre. Mais Florian ne voulait pas de ce froid, il voulait demander des comptes à Dieu. Rien que ça !


On l' avait compris, puis moqué, et puis un de ses amis, par boutade avait lancé un soir de plaintes : "Dieu, c' est au bout du monde mon pauvre vieux, qui faut que tu le cherches".


Florian avait hoché la tête. Le bout du monde, ça collait. Evidemment, il pouvait pas etre à coté de chez lui, il aurait pas laissé son amour partir, sinon. C était ça, il etait loin, il devait pas savoir…


Florian avait vendu, donné, jeté, quarante ans de vie. La grosse bague avec la grosse emeraude, l' immonde poupée coquillages, le lit des amours défuntes, les disques uses et re-usés, les chaussures, les casseroles, les… Et le reste.


Enfin libre, léger, et malheureux, il partit un beau matin pluvieux vers l' est. Comme pour remonter le temps en partant à l' envers.


La Belgique, l' Autriche, la Pologne, le Tyrol, la Bulgarie, la Roumanie… Encore la Pologne, la Finlande, la Russie, la Russie, la Russie, la Sibèrie, la Sibèrie, la froidie, la froidie et, encore la froidie.


Enfin, un jour il arriva à la mer, là-bas, au bout du monde, au Kamtchatka. Il etait hâve, décharné, brulant de fièvre et de rage.


Souvent, sur sa longue route, il s'arretait, hurlait comme un loup, tendant un poing rageur vers les cieux, invitant Dieu à venir se battre s 'il etait un homme…


Les gens, à son passage s écartaient , pris de peur, d'autres le touchaient comme une relique,


deja deja il devenait une légende. Quand une telè n 'avait rien à mettre sous la dent des publicitaires, hop, un p'tit coup du Florian, l' homme qui voulait casser la gueule à Dieu : "C 'est bon, ça, coco !"


Florian contemplait les flots glacés, inquiétants, vert glauque, èpais comme une soupe. Une mer pour lui…


Un peu à l' ecart, un groupe encapuchonné, aux yeux bridés, le regardait comme on regarde un extra-terrestre. Un blanc, ici, sans fusil, sans bouteille ! Autant dire, un zéro. De toute façon, on ne parlait pas à un blick, un Égaré.


Une employée - dont l 'emploi ètait un mystère - qui baragouinait un anglais centenaire, le prit par le bras pour le conduire vers une baraque chauffée et lui offrit une thé bouillant au beurre de renne.


Quand elle entreprit de connaître le pourquoi du comment de sa présence incongrue, cela donna, en simili colonial :


"Toi, quoi y en a faire par ici ?" «ça répondait, à peu prés, ça :


"Huguette, partie… Cherche bout du monde, Dieu…

- Bout du monde, pas ici… Là-bas.

- Ou, là-bas ?

- Iles Commandeur, làbas...

- Commandeur, oui. Dieu, c' est son autre nom. Y a Dieu, là-bas…

- Camarade Lenine… Non… Personne là-bas. Une grande porte… Les anciens disent y a une porte de glace… après, esprits etre la,,

- Grande porte… Esprits… Ah ! J' arrive…"


Tout cela donne une idée pathétique du niveau ou arrivait cette histoire.


Florian, cette nuit là, dormit enfin paisiblement. La première nuit après dix ans de cauchemars. Au petit matin, il sortit de son slip crasseux deux billets de dix dollars, pour remercier la femme et, aussi pour manger.


Il voulait refaire ses forces pour donner la patèe à Dieu. Ses yeux en brulaient d' excitation.


Un Inuit sibérien le fit passer de l' ancien empire, vers l' archipel des iles du Commandeur. Quelques cailloux désoles, glacès et désolants, un paradis pour Florian.


Ce qu 'ignorait l' illuminé, c'est qu 'une chaine de tèlè américaine flairant l' aubaine, le suivait avec discrétion… et avec caméra et, ironie suprème, à coups de dollars-hélicoptère avait fait construire aux confins d 'une ile encore plus glaçante, un igloo porte.


Le directeur des coms en rigolait tout seul… La tête du dingue !


De fait, le dingue n' en revenait pas… Accroupi, machonnant un bout de viande gelée, il contemplait, incrédule, la porte de glace transparente.


Bordel, y avait bien un truc. C' ètait donc vrai, son Huguette devait être là derrière, plus loin. Le soir tombait, une vision féerique, troublante… Alors, Florian rejeta la capuche en arrière, montrant des cheveux crasseux, fourragea dans son sac. Il en sortit un revolver gros comme une citrouille, en moins jaune, une photo encore belle d' une jeune femme, passons… Et bavant, s 'avança vers le simulacre divin.


"Sors si t' es un homme, rends-moi ma vie. Rends-moi ma bien-aimée !"


Le Directeur des coms, là-bas, en pissait dans son froc. Pas croyable, même lui, blasé par des millions d' images porno-mateuses, même lui il n'y croyait pas. Le barge, en direct CNN, bravait et Dieu et le reste, et avançait à travers le piège à gogos et la pompe àfric.


"Merde ! Ou il est ? Bon Dieu, zoom ! Ou il est passé ? Il a disparu… Enchaine… La pub, la pub ! Mettez-moi en ligne avec là-bas…"


Là-bas, Florian s était évaporé. Pfuitt ! Plus rien…


Si, entre les murs de l 'igloo, sur une coupe en or, etaient posés un pain et un poisson, avec une rose rouge sang fraîchement coupée.


Florian se réveilla, en anorak crasseux, dans une chambre d 'hotel à Limoges… ou à Samarkand, près d' un tas de pièces d or. A coté de lui, sur une coupe en or, un pain et un poisson, avec une rose rouge sang fraîchement coupée. Et une carte de visite signée tout simplement : Dieu.


Il y était écrit : "C 'est pas mal. Reviens au bout du monde, je te rendrais Huguette. Et si tu veux, nous nous battrons. Mais, s 'il te plait… fais moins de bruit !"


maurice druguet










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